Par Hela BENNOUR
Je l’ai rencontrée par hasard, sur la route de Matmata, au village de Tijma.
Une tente berbère dressée en bord de route, au milieu de nulle part.
On arrête la voiture et on descend regarder de plus près.
C’est là que Mariem surgit. Sa maison, creusée et troglodyte, n’est pas visible de la route.
– je peux prendre une photo de votre tente ?
– « marhba bikom fi dari » (soyez les bienvenus chez moi)…
Et elle nous montre une entrée discrète et magnifique.
Nous la suivons. Un tunnel creusé nous mène dans un patio.
Elle nous invite à nous asseoir, disparaît un moment et revient avec une mida. Dessus, il y a du miel, de l’huile d’olive, du pain tabouna et une théière bouillante.
– « tfadhlou ! » (servez-vous).
Nous sommes émerveillés par l’accueil généreux et par ce naturel si précieux.
C’est vrai que nous sommes dans le sud et que la générosité y est sacrée…
On s’assoit et on fait connaissance.
Mariem est mère d’une fille de huit ans et de trois garçons entre dix huit et vingt deux ans. Trois chômeurs qui partagent un même « rêve » : traverser la Méditerranée clandestinement.
Ce « rêve » est paradoxalement le pire cauchemar de Mariem. Elle n’en dort pas la nuit. Elle a de plus en plus de mal à respirer et voudrait aller consulter… cela tombe bien, Dr Hager Karoui, membre des Balades Culinaires, est médecin. Elle l’ausculte et la rassure : la gorge et les poumons sont bien portants. C’est le mental qui est trop anxieux. Les larmes de Mariem coulent.
« Oui, j’ai peur pour mes garçons », murmure-t-elle.
Un désarroi lourd et profond. Que peuvent faire ces jeunes au milieu de nulle part et sans soutien ?
Une escale pour les passagers pourrait être une solution.
Le miel de Meriem est de très bonne qualité. L’huile et le pain aussi.
D’autant plus qu’ils sont accompagnés d’une émotion profonde.
L’idée est lancée et elle y réfléchit. Cependant, elle craint les obstacles administratifs et la paperasse sans limites.
Tout au long de notre entretien, Mariem me disait « bnayti » (ma fille).
Je la taquine et lui dis « Qui te dit qu’on n’a pas le même âge? »
Elle rit un bon coup et me dit : « Impossible ! »
Sa surprise fut énorme quand elle réalisa que j’avais deux ans de plus qu’elle. Comme quoi, on a l’âge de notre vécu et non des années.
Depuis une semaine, je n’arrête pas de penser à Mariem et aux milliers de Mariem. Un véritable combat de survie, une peine indescriptible et pourtant… une énergie à se relever et à chercher les solutions.
Mariem presse elle-même ses olives, promène ses abeilles, tisse des tapis sur sa saddeya et crée des sources de survie pour sa famille.
Digne et forte malgré la misère.
Une Amazighe debout, battante et prête à relever les défis du quotidien.
Merci Meriem !